vendredi 9 octobre 2015

BOLIVIE - Potosi

On a pas mal hésité à aller a Potosi, mais finalement c'est parti... Grand bien nous en a pris, Potosi est l'endroit qui nous a le plus touché. Un lieu chargé d'Histoire(s). 

On s'est laissé convaincre car n'est qu'à 3h de bus de Sucre, on nous en a dit du bien, et ça va nous permettre de nous acclimater à l'altitude puisque c'est à 4000m.




On arrive a Potosi de nuit. Petite frayeur car on prend le premier taxi. Le chauffeur est très jeune, très mal fringué, ne parle pas, pas l'air commode, la voiture est croulante. On flippe un peu quand on arrive dans les petites ruelles sombres mais non non, on est bien a l'hotel Koala Den. C'est Potosi, ville minière, jeune, pauvre, et sombre...de quoi effrayer un peu au premier abord de nuit quand on ne connait pas!

Au petit matin je me lève la tête dans le cul avec le casque! les 4000m ne me réussissent pas, je me sens un peu à l'ouest! Maman est toute fière car elle n'a rien. Vue magnifique depuis le toit de l'hôtel...


Le petit paquet des colocs commence a sentir drôlement fort dans mon sac, ce qui n'est pas génial pour mes fringues et pour la vie collective en dortoir... Je les soupçonne d'avoir mis du fromage dedans les coquins! Je décide 'ouvrir prématurément cette boîte magique tout en me filmant, chose promise, chose due! Mais avec l'altitude, je ne suis pas très fraiche!


Je suis toute émue de leurs attentions. Chacun a écrit un petit mot et j'ai plein de petits cadeaux rigolos: mini  bouteilles de pastis, de crème de cassis, de liqueur de poire, bretzel, tampons, préservatifs, chewing gum, bonbons à la rose de l'abbaye de flavigny, kinder, mini twixt, gel douche hello kit, conserve de maquereau au muscadet s'il vous plait, pâté de canard, confiture de figue, et ...maroilles qui fouette! Et oui ils ont osé!

Merci les copains!!!

petit maté de coca pour faire passer le mal de l'altitude...

Le soir même, on se fera un diner avec ces petits mets et on fera goûter le maroilles à Isidoro notre pote gérant de l'hotel ancien mineur! Il n'a pas bronché mais je ne suis pas certaine qu'il ait aimé!


Sur les conseils d'Isidoro, on va visiter la Casa de la moneda, qui retrace l'histoire de Potosi, qui est assez chargée. On a de la chance, une guide parle français et on a une visite pour nous toute seule!






L'histoire de Potosi est passionnante et notre guide, petite fille de mineur, l'est tout autant, et se livre un peu a nous de temps en temps, sortant de son discours classique.


Petit résumé de l'histoire de Potosi:

En 1545, les espagnols découvrent le Cerro Rico (Mont riche) qui deviendra le plus grand gisement d'argent de l'histoire de l'humanité mais aussi un grand gisement d'étain et autre minerais. Autour de ce Cerro se battra Potosi.

Les espagnols l'exploiteront jusqu'en 1810, ce qui fera la richesse de la couronne d'Espagne. Les espagnols feront travailler des esclaves venus d'Afrique et de indiens quechua et aymara. Ils creusent les galeries, cherchent les minerais, les transportent, les traitent avec du mercure pour en extraire l'argent, fabriquent manuellement les pièces de monnaies de la couronne (93% d'argent, 7% de cuivre). Les esclaves d'Afrique n'étant pas assez résistants à l'altitude et mourant trop vite, on fini par les envoyer dans la région des Yungas pour cultiver la coca que l'on donne aux mineurs de Potosi. Espérance de vie d'un indien utilisant le mercure: 3 mois.

8 millions d'indiens et d'esclaves d'Afrique sont morts durant la colonisation espagnole...un véritable génocide dont je n'avais pas idée, du moins pas en de telles proportions. C'est juste Horrible.
Notre guide nous dit gravement : "les espagnols ont fait un pont d'argent avec entre l'Espagne et l'Amérique, mais ils auraient pu faire plusieurs ponts avec les os des morts qu'ils ont causés".

pot de chambre espagnol en argent

C'est grâce a tout cet argent amassé que les espagnols ont pu faire de Potosi une belle et grande ville coloniale et ont pu créer la casa de la moneda ou était frappée la monnaie. Au 17ème siècle, en plein boom, Potosi avait 165 000 habitants. La Casa de la Moneda a été créée pour frapper la monnaie entre 1572 et 1575. Elle a couté une fortune car le bois est un matériau rare dans le coin, et il a fallu l'importer. On y a frappé la monnaie espagnole, puis bolivienne, jusqu'en 1952. Ensuite, ça coutait trop cher, et on a délocalisé la fabrication de pièces au Chili et au Canada et la fabrication des billets...en France!

Evo s'est quand même fait graver sa plaque en argent...

Une fois que la mine n'a plus été assez rentable pour les espagnols, ceux ci sont partis en 1810. Le Cerro Rico a été abandonné puis racheté par 3 propriétaires dont un Rotschild.

En 1952, c'est la Révolution. Victor Paz nationalise le mines d'argent mais celles d'étain restent (jusqu'à aujourd'hui) la propriété de la richissime famille Paceno (qui a aussi une bière du même nom). Chaque mineur reçoit une maison avec électricité, un salaire, contre h de travail par jour. Mais ce système, sans contrôle du travail, deviendra trop couteux. En 1985, la crise économique obligera Vicor Paz a reprivatise la mine, mais donnera la possibilité aux mineurs de s'organiser en coopératives. Le deal: 25% de l'argent trouvé pour la coopérative, 5% pour l'Etat, le reste pour le mineur.

En 1987, Potosi obtient le statut de patrimoine de l'humanité pour son Cerro Rico et Son architecture coloniale...mais elle est en passe de perdre ce statut. A cause d'une urbanisation anarchique: ses bâtiments modernes sont construits pardessus sur l'architecture coloniale. Et parce que le Cerro a perdu 350m depuis le début de son exploitation. C'est un véritable gruyère qui menace de s'effondrer. Mais ou va l'argent de l'UNESCO? Bonne question...il y a beaucoup de trous dans le gruyère de "plata" (argent en espagnol)





A l'hotel Koala Den , le gérant Isidoro tape à la machine a écrire, mais visiblement il ne sait pas bien lire vu les fautes d'orthographes qu'il fait à nos noms qu'on a pourtant écrit. Et pour cause, Isidoro n'a pas beaucoup été à l'école...


A 8 ans, il a perdu son père et son frères, mineurs. La galerie de la mine dans laquelle ils travaillaient s'est effondrée sur eux. On a mis 3 jours a sortir leur corps des décombres. Du coup, Isodoro a commencer a travailler à la mine à 11 ans, car sa mère avait besoin d'argent.

Aujourd'hui encore de nombreux enfants travaillent à la mine. Pour 15 000 adultes, il y aurait 30 000 mineurs. 70% des habitats de Potosi vivent de la mine. L'histoire continue.

Isidoro nous explique que pour être mineur, il faut être dans une coopérative. Le droit d'entrée est de 2000 dollars. La coopérative attribue une parcelle au mineur, qu'il peut exploiter dans tous les sens : vertical, horizontal, diagonal...d'où quelques conflits de voisinage car on ne sait jamais précisément ou la parcelle s'arrête...et d'où aussi quelques effondrements de galerie par manque de coordination. Bien sûr en réalité il y a souvent plusieurs personnes travaillant sur une parcelle.




Beaucoup de mineurs ne sont pas assurés par manque d'argent. On les appelle les "peones", ceux qui triment, ne sont pas locataires d'une parcelle, travaillent pour d'autres et gagnent des clopinettes. Isidoro a de la chance. Il a pu s'assurer a 14 ans. Il n'a jamais eu d'accident, mais il en a vu beaucoup. Des morts aussi. Il a pu prendre sa retraite a 40 ans car on lui a découvert une maladie au poumon qui le fait beaucoup tousser (on l'entend parfois a l'autre bout de l'hotel). Il est atteint de la fameuse silicose, la maladie des mineurs, causée par l'inhalation de pousser de silice, élément coutent dans de nombreux minéraux. A 50 ans, il pense ne pas passer les 60. Il nous dit que le système des coopératives s'est beaucoup détérioré. Il est beaucoup moins protecteur qu'avant. Ce n'est plus le "Un pour tous et tous pour un" comme avant, nous dit-il. Aujourd'hui, même si on te découvre une maladie grave, tu n'as pas forcément le droit de partir en retraite. Potosi bat tous les records en matière de cancers...


En plus de la silicose, de nombreux mineurs sont atteint d'alcoolisme. Le travail de la mine est tellement éreintant physiquement et dur psychologiquement (rester des heures durant sous la terre dans le noir et la poussière), que beaucoup boivent pour rendre la vie plus douce. Le vendredi soir c'est la fête a Potosi, les mineurs se bourrent la gueule. Isidore ne boit plus...aurait il abusé?

Les mineurs sont très superstitieux. Ils font des offrandes à la patchamama pour attirer la chance, éviter les accidents, trouver un bon filon. Chaque année au mois d'aout une grande fête est organisée. C'est le moment d'offrir a la patchamama des sodas, feuilles de coca, foetus de lama, et de faire péter des pétards dans la mine...ce qui donne lieu a des accidents chaque année. `

foetus de lama!

Isidoro est content d'être retraité et de ne plus être mineur. Il ne veut d'ailleurs pas que ses enfants soient mineurs. Il parle de la mine avec dureté et en même temps avec une certaine nostalgie...c'est assez troublant car de l'extérieur, c'est un métier de forçat. A croire que quand on creuse tous les jours pendant 30 ans la "mère terre", on fini par l'aimer et la détester à la fois...


On prend le micro pour aller à "El ojo del inca" dans la banlieue de Potosi. C'est un lac tout a fait rond avec de l'eau a 30°C! Petite trempette qui fait du bien. On y retrouve Max et Jacub un couple polaco brésilien super sympa.


On croise un groupe de 6 tchèque qui voyagent en bus et y dorment !

Après la trempette, on fait le marché ensemble (quelques stands sont très ragoûtants)... et on déguste des empanadas!










Montée à pied au Cerro Rico

On n'a pas voulu faire le tour que tout le monde fait pour aller a la rencontre des mineurs dans la mine. On trouve ça un peu zoo humain glauque et puis maman se sent pas trop de faire 2h dans des galleries souterraines.
On a d'autant plus été convaincue quand on a discuté avec les gens.

Notre guide de la Casa de la moneda nous a dit que c'était dangereux. le touristes ne sont pas a l'abris d'effondrement de galléries, tout comme les mineurs. Les bénéfices n'étaient pas reversés aux mineurs contrairement a ce que racontent les agences. Les agences participent a un fonds qui permet d'organiser la grande fiesta des mineurs au mois d'août et de faire fonctionner l'hôpital des mineurs...mais le montant que chacune donne est inconnu et de toute façon inférieur a 5% du prix du tour.

Isidoro nous a aussi déconseillé de faire ce genre de tour, même si on a pas bien compris pourquoi, mais ça avait l'air de le dégouter un peu.

Max et Jacub nous ont raconté leur tour. Passage au marché des mineurs, achat de feuilles de cocas et de sodas comme cadeaux pour les mineurs, tout est ensuite donné au guide qui se charge de donner les cadeaux au mineurs avec qui les touristes ont discuté. Les 2h sous terre sont éprouvantes, a ramper parfois dans des boyaux.


Du coup, on sets levé tôt pour prendre un bus qui nous a déposé au pied du Cerro Rico. On a pris des vivres, gâteaux et bonbons, et de l'eau, car ça tape. Dans le bus, je sors mes bonbons à la rose et j'en propose a un mineur qui a la main dans un bandage. Il est étonné de ma proposition, q'il accepte, et me remercie par un joli sourire édenté...A la sortie du bus, seules touristes, tout le monde nous regarde et on a même droit a quelques sifflements! Effectivement, on voit beaucoup de jeunes entre 15 et 20 ans qui mangent un bout avant de commencer leur journée.




On commence a monter par la route des camions. Il est 8h mais beaucoup sont déjà au boulot. 


















































On est étonnée de voir ce qui ressemble a des maisons sur le Cerro. Visiblement, ce n'est pas seulement un lieu de travail, une mine, mais c'est un lieu de vie. On croise des enfants devant une maison. Le petit Marco, 6 ans, la morve au nez, nous propose de lui acheter des pierres. On craque...pas pour les pierres mais pour aider les 4 petits bouts de chou qu'on a devant nous et qui semblent dans une réelle pauvreté. Je leur offre des kinder et mini twix. Ils sont ravis. A mon avis, ils n'ont pas pris de petit dej.

Marco, le petit mineur vendeur de pierres et ses frères et soeurs


Marco nous demande ou on va et on lui montre le grand jésus qui est en haut d'un petit mont. Il décide de nous accompagner. Ses frères et soeurs suivent. 3ans, 4 ans et 9 ans.







Marco file vite dans la montagne, on a du mal a le suivre, mais il attend régulièrement et va chercher sa petite soeur quand elle a du mal. C'est fou de voir a quel point se enfants sont laissés a eux mêmes. On se demande ce que font les parents... 

de l'utilité des petits bretzel du paquet magique!

A un moment, Marco aperçoit des mineurs et se met a courir. Il revient 2 minutes plus tard, tout fier, avec une pomme et une orange qu'il partage avec se frères et soeurs. Ca confirme l'absence de petit dej. En haut du petit mont, on se fait un petit goûter a base de bretzel qui ont un franc succès: "que rico "nous dit Marco! Et on chante des chansons! J'ai un gros nez rouge pour moi et la chanson de leur école pur eux. On est rassurées de savoir qu'ils vont à l'école...





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En continuant la balade avec eux, on tombe sur un homme qui semble connaître bien les enfants. Nicolas Marin Martinez est en fait le directeur de l'unique école et garderie du Cerro Rico créée par la fondation Voces Libres pour laquelle il travaille. Comble du hasard, il s'agit d'une association française, qui a une antenne a strasbourg! http://www.voixlibres.org


Nicolas aussi était enfant mineur et c'était son rêve de créer une école sur le Cerro, pour donner une chance a ces enfants. Il nous propose de visiter cette école, à 30 min de marche de là sur l'immense Cerro, ce qu'on accepte. On dit aurevoir avec émotion nos petits bouts de chou après quelques virée a tourner dans les airs...


Sur la route il nous raconte.

130 familles vivent sur le Cerro Rico. Ce sont tous des "peones", le plus pauvres des mineurs, ceux qui triment. Dans beaucoup de famille, ça boit, il y a de la violence. La mère du petit Marco est alcoolique nous dit il. Souvent il n'y a que la mère et le père est parti, mort dans la mine ou en prison. Pour lui, une école sur le Cerro est indispensable car en réalité les 110 écoliers travaillent aussi a la mine. Ils n'iraient jamais a l'école si elle était en ville tout en bas. La majorité des écoliers ne vient pas tous les jours, mais seulement 3 jours du mardi au jeudi. Il nous dit qu'il sait reconnaitre d'un coup d'oeil les mains d'un enfant qui a travaillé ou non a la mine durant le week end. Visiblement, l'école fait tout pour les enfants: elle les nourrit, les lave, les habille, les éduque, les soigne même parfois. Certains enfants sont battus, boivent ou se droguent, il faut davantage s'occuper d'eux. Quand on demande a Nicolas s'il a des enfants, il nous répond qu'il en a 110...

sur le chemin de l'école...


l'école du Cerro Rico
On assiste a la livraison de la nourriture pour la semaine. Nicolas nous montre les menus, qui sont confectionnés avec attention pour être équilibrés.



la gardienne de l'école

L'école est entrain de se fissurer de partout. Normal, le Cerro est un vrai gruyère. Ils en font construire une plus grande, un peu plus loin. Son rêve est de faire de l'ancienne école des ateliers d'apprentissage our les pré ado et ados et de créer un potager sous serre qui fournira la cantine scolaire. On reste perplexe sur ce dernier point. En effet, on nous a dit, et il le confirme: le sol du Cerro est plein de produits chimiques toxiques. Il nous raconte un garçon de son école est mort en buvant de l'eau coulant d'un "ruisseau"du Cerro. Nicolas pense avoir la solution: il va faire enlever la mauvaise terre et mettre de la bonne...avec la pollution de l'air et le ruissellement, je ne suis pas sûre que les enfants ne soient pas intoxiqués...




préparation pour la fête! atelier tresse avant de redescendre
Après une visite des locaux, on redescend avec le 4X4 de la fondation qui a livré la nourriture.














Sacrée épopée qui nous donne envie nous aussi de donner un coup de main. A défaut, on fait un don symbolique à l'ONG.






L'après midi on entend de la musique dans Potosi. Une fête se prépare...


Sur le trajet de la fête, petit problème mécanique dans le bus,tout de suite réparé!

On voit aussi des personnes entrain de costumer des voitures en les enroulant dans des couvertures multicolores et accrocher des peluches dessus.




FIESTA!

On a de la chance, la grande fête du mois d'aout a été repoussée et c'est maintenant. On assiste a un grand carnaval avec défilé, danses, musiques, costumes bariolés, tout cela pas mal alcoolisé!

































Adios Potosi





3 commentaires:

  1. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

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    1. Merci! Je suis toujours a la Paz, je me suis trouve un volontariat pour une ONG qui s'occupe de jeunes filles victimes de violences, c'est super!
      Pour en savoir plus...http://www.endaelalto.org/fr/notre-travail/projets-en-cours/maison-minka/
      Gros bisous et bonjour a tout le monde!

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    2. désolée sylvette j'ai supprime ton commentaire sans faire exprès et je n'arrive pas a le remettre!!! :-S

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